Nous allons ici nous intéresser à la partie juridique des comparateurs de prix. En effet, comme pour tout, de nombreuses lois régissent le secteur du e-commerce et en particulier celui des moteurs shopping qui ont pour vocation de comparer des offres et des prix. Vous trouverez la semaine prochaine la deuxième partie de cet article sur les comparateurs de prix et la législation.
Gérard Haas, Docteur en Droit et Avocat à la Cour d’appel de Paris nous explique les éléments primordiaux sur la législation régissant le domaine des comparateurs de prix.
Voici ce que vous allez trouver dans cet article sur les marketplaces :
Les comparateurs de prix dans le collimateur de la justice
L’e-commerce a pour effet d’accroître l’intensité de la concurrence en fournissant aux internautes des moyens simples de comparer les prix des produits et des services. Il leur est difficile de résister à la promesse de faire la bonne affaire au bon moment sur le bon site.
À cela, ajoutons la conjoncture économique qui les incite à regarder davantage les prix avant de se décider. Ainsi, les internautes recherchent, confrontent et accèdent à des offres provenant de sites marchands référencés sur les sites comparateurs ([1]).
Il est vrai que chaque produit y dispose de sa fiche descriptive comprenant ses spécifications et parfois même des avis clients ([2]). Si les comparateurs de prix aident le consommateur à choisir, ils ont aussi pour mission d’amplifier l’audience des sites marchands et de leur permettre d’atteindre directement le client potentiel.
Sur le plan juridique, les sites comparateurs de prix ont suscité différents questionnements.
C’est ainsi que les tribunaux ont eu à se prononcer sur leur statut juridique, la nature de leur activité. Par ailleurs, il est clair qu’une distinction s’impose entre les comparateurs de prix généralistes [3] et ceux qui sont spécialistes[4] d’une catégorie de produits ou de services.
Indubitablement, ce type de site à un rôle de préconisateur et cela a encore conduit les tribunaux à distinguer les sites qui sont soumis aux règles de la publicité comparative et ceux qui le ne sont pas. Les comparateurs de prix sont dans le collimateur de la justice et leur salut passera assurément par les vertus de la transparence, de la fiabilité et de l’indépendance.
Statut juridique des Comparateurs de prix
En principe, un comparateur de prix est censé opérer une sélection préalable sur les informations fournies par ses partenaires marchands dans les fiches produits qui vont apparaître sur son site.
Pour la jurisprudence, ce pouvoir d’intervention sur le contenu manifeste une prise de connaissance, un pouvoir de contrôle et un rôle actif d’éditeur auprès des annonceurs afin d’optimiser les offres.
Autrement dit, un site comparateur de prix n’est pas un hébergeur, ([5]) mais un éditeur. Il ne peut donc pas bénéficier du statut protecteur des hébergeurs visé par l’article 6-1-2 de la loi du 21 juin 2004[6] .
Nature juridique de l’activité de comparateur de prix en ligne
Dans une affaire, plusieurs sociétés reprochaient à un comparateur de prix d’offrir à des marchands en contrepartie de rémunération, un classement favorable de leurs produits, sans que l’internaute soit au courant de cette différence de traitement entre le référencement gratuit et payant.
Selon la Cour de cassation ([7]) le référencement prioritaire d’offres de produits ou de services assure une promotion de façon indirecte et constitue « une activité de prestataire de service commercial et publicitaire » ([8]).
Par ailleurs, constatant une « absence d’identification claire du référencement prioritaire », elle estime que le comportement économique du consommateur était susceptible d’être altéré de manière substantielle, ce qui caractérise « l’existence d’une pratique déloyale et trompeuse » ([9]).
Ici, la jurisprudence a apporté des précisions sur la qualification de l’activité et des pratiques d’un site internet comparateur de prix.
Les comparateurs sont donc soumis à des législations précises et doivent s’y tenir sous peine de se voir pénalisé par la justice
[1] Les Français sont de plus en plus nombreux à avoir le réflexe consulter un comparateur de prix sur internet. Plus de la moitié des internautes (55%) fréquente ce type de sites avant d’acheter.
[2] Internet facilite la comparaison entre les différents prix des produits et des services. Pour les cybermarchands, cette indexation leur permet de renforcer la visibilité et l’accessibilité de leurs offres. Pour les internautes, ils peuvent obtenir une information à la fois quantitative sur le prix et la disponibilité et qualitative sur le produit ainsi que sur le site qui le vend. Les sites comparateurs de prix sont très utilisés en matière d’achat de vêtement, de produits Hi-Tech, pour les voyages, les réservations hôtelières ou encore le tarif des maisons de retraite, de billetterie, le marché des crédits bancaires et des assurances
[3] Parmi les sites généralistes citons par exemple : Kelkoo, Malinoo, PriceRunnerfr, Les comparateurs.com, Acheter-Moins-cher, Monsieur Prix, Twenga, Leguide.com, Shopping.fr, Shopzilla, Tousles prix….
[4] Parmi les sites spécialistes citons par exemple : choisir-ma-banque.com, Liligo.com, I-comparateur, Buycentral, Comparer…
[5] cf. TGI Paris 15 décembre 2011 affaire Weston.
[6] cf Article 6.I.2 de la Loi sur la Confiance dans l’Economie Numérique énonce que : « Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible. » Concrètement, l’hébergeur ne voit sa responsabilité engagée que si une foi valablement informée ils n’ont pas agi promptement pour faire cesser le trouble.
[7] cf. C. Cass 4 décembre 2011 n° 11-277.
[8] Extrait de l’arrêt précité ci-dessus « Mais attendu, en premier lieu, qu’après avoir constaté que, moyennant rémunération, la société Leguide.com permet aux e-marchands bénéficiant du référencement prioritaire de voir leurs produits ou offres classés de façon prioritaire avant ceux des autres, l’arrêt relève qu’il est nécessaire à l’internaute, pour être informé de la différence de classement entre e.commerçants « payants » ou non, de consulter les mots « en savoir plus sur les résultats » ou « en savoir plus » ou encore « espaces marchands » ; qu’en l’état de ces constatations desquelles elle a pu déduire, sans avoir à faire les recherches visées aux première et deuxième branches, que la société Leguide.com assurait de façon indirecte la promotion des produits ou services proposés par les e-marchands bénéficiant du référencement prioritaire et que, de ce fait, elle exerçait une activité de prestataire de service commercial et publicitaire, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ; »
[9] Idem « Et attendu, en second lieu, qu’ ayant retenu que l’absence d’identification claire du référencement prioritaire est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur qui est orienté d’abord vers les produits et offres des e-marchands « payants » et ne dispose pas ainsi de critères objectifs de choix, ce dont elle a pu déduire, sans avoir à faire d’autre recherche, l’existence d’une pratique commerciale déloyale et trompeuse, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ; » »
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