Comparateurs de prix et législation (Partie 2)

26 novembre 2013

Aujourd’hui, nous faisons suite à l’article de la semaine dernière sur les comparateurs de prix et la législation. En  effet, nous allons parler de la publicité comparative et de l’avenir de ces moteurs shopping avec Gérard Haas, Avocat à la Cour d’Appel de Paris et Docteur en Droit.

comparateurs de prix et législation

Site comparateur de prix et publicité comparative

Si la publicité comparative est autorisée en France, elle est peu pratiquée et particulièrement encadrée.

  • Aux termes de l’article L.121-8 du Code de la consommation, la publicité qui met en comparaison des biens ou des services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n’est licite que si elle n’est pas  trompeuse ou de nature à induire en erreur, porter sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif  et comparer objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie.

L’ article L.121-9 du Code de la consommation précise notamment que la publicité comparative ne doit pas engendrer de confusion entre l’annonceur et un concurrent ou entre les marques, noms commerciaux, entraîner le discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens, services, activité ou situation d’un concurrent, tirer indûment profit de la notoriété attachée à une marque de fabrique, de commerce ou de service, à un nom commercial, à d’autres signes distinctifs d’un concurrent ou à l’appellation d’origine ainsi qu’à l’indication géographique protégée d’un produit concurrent.

  • En outre lorsque la publicité comparative fait référence à une offre spéciale, elle doit mentionner clairement les dates de disponibilité des biens ou services offerts, éventuellement la limitation de l’offre selon les stocks disponibles et les conditions spécifiques applicables.
  • En pratique, observons qu’il existe deux grandes catégories de sites comparateurs de prix : ceux dont l’activité est exclusivement de comparer les prix sur d’autres sites, et ceux qui proposent une comparaison du prix de leurs produits avec ceux de leurs concurrents. 
Lire :   En France, les comparateurs de prix captent une proportion de consommateurs la plus importante d’Europe

a. Sites comparateurs de prix ne relevant pas de la publicité comparative

  • Les sites comparateurs de prix dont l’activité est exclusivement de comparer les prix sur d’autres sites ne sont pas soumis aux dispositions de publicité comparative.
  • En effet, les comparaisons sur les prix ne visent pas des concurrents, mais des partenaires commerciaux. Les sites comparés ont passé un accord d’achat d’espace publicitaire avec le site comparateur.
  • Ainsi, il a été jugé que le comparateur de prix du site sncf.com n’est pas soumis aux règles de la publicité comparative, car il se borne à comparer les produits distribués sur son site  et non ceux offerts par ses concurrents (TC Réf.7 décembre 2006 Air France/voyage-sncf.com).
  • Ce type de comparateur de prix relève des règles applicables à la publicité en ligne et à la promotion. Ainsi, le 21 octobre 2010, la cour d’appel de Grenoble a condamné, pour pratique commerciale déloyale et trompeuse, un comparateur de prix ( Kelkoo).
  • Ce dernier avait omis de s’identifier en tant que site publicitaire, de mettre à jour les prix en temps réel, d’indiquer les périodes de validité des offres, les frais de port, les conditions de la garantie des produits, leurs caractéristiques principales.
  • Par ailleurs, il avait indûment affirmé qu’un robot recherchait les meilleurs prix : (CA Grenoble, 21 octobre 2010, Kelkoo/Concurrence).

Extrait de l’arrêt

« En ne mettant pas les prix à jour en temps réel la société Kelkoo suit une pratique qui doit être qualifiée de trompeuse au sens des dispositions de l’article L 121-1 du code de la consommation et qui constitue une pratique commerciale déloyale au sens des dispositions de l’article L 120-1 du même code….. »

« ….La société Kelkoo ne conteste pas que les périodes de validité des offres ne sont pas mentionnées. La société Kelkoo suit ainsi une pratique qui doit être qualifiée de trompeuse au sens des dispositions de l’article L 121-1 du code de la consommation et qui constitue une pratique commerciale déloyale au sens des dispositions de l’article L 120-1 du même code. …»

« ….En ne mentionnant pas les frais de livraison, la société Kelkoo suit une pratique qui doit être qualifiée de trompeuse au sens des dispositions de l’article L 121-1 du code de la consommation et qui constitue une pratique commerciale déloyale au sens des dispositions de l’article L 120-1 du même code. …»

« En affirmant faussement qu’un robot dénommé « kelkoo sniffer » recherche les meilleurs prix dans les bases de données des sites marchands, référencés ou non, la société Kelkoo suit une pratique qui doit être qualifiée de trompeuse au sens des dispositions de l’article L 121-1 du code de la consommation et qui constitue une pratique commerciale déloyale au sens des dispositions de l’article L 120-1 du même code…. »

b. Sites comparateurs de prix relevant de la publicité comparative

  • Les sites qui proposent une comparaison du prix de produits avec ceux de leurs concurrents sont soumis aux règles de la publicité comparative.
  • À ce titre, le site comparateur de prix de l’AFER a été jugé illicite. En l’espèce, ce site était destiné à comparer le coût global d’une vingtaine de contrats d’assurances vie (chez Axa, Gan, Macif, Société Générale…), à la manière du TEG (taux effectif global) qui permet de confronter des crédits, et selon différents scénarios.
  • Une idée plutôt respectable si elle n’émanait pas, justement, d’un vendeur d’assurances vie : les propres offres de l’Afer arrivaient trop souvent en tête de liste, du moins au goût de ses concurrents.
  • En outre,  s’appuyant sur ce comparatif, l’AFER avait lancé une campagne publicitaire dans laquelle elle se prétendait la moins chère du marché. Le comparateur de contrats d’assurance-vie diffusé par l’AFER sur son site internet a été déclaré illicite en ce qu’il constituait une publicité comparative prohibée. (TGI  Strasbourg  11 octobre 2007).
  • En revanche, le comparateur  de prix de Leclerc «  quiestlemoinscher.com » a été jugé licite (Cass. com. du 19.1.10, n° 08-19814).
  • Dans cette affaire, les faits étaient les suivants. En mai 2006, le groupement d’achat des centres Leclerc (Galec) ouvre un site (www.quiestlemoinscher.com) dont l’objectif est de comparer les prix de 1?466 produits vendus dans diverses grandes enseignes de distribution. Les distributeurs Auchan et Carrefour reprochaient une publicité comparative illicite. Selon la  Cour de cassation le comparateur de prix était licite, car les relevés de prix et leur mise en ligne avaient été réalisés par des sociétés indépendantes, que les prix affichés sont ceux qui sont payés en caisse et qui motivent l’acte d’achat des consommateurs.législation comparateurs de prix
Lire :   Google Shopping : les meilleures pratiques en image !

 Quel avenir pour les sites comparateurs de prix ?

Finalement, peut-on vraiment faire confiance à un site comparateur de prix ? Qui se cache derrière le site et comment est-il rémunéré ?

  • À ce titre, remarquons que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a examiné le modèle économique des opérateurs privés spécialisés dans la comparaison des prix de biens de grande consommation (électronique, voyages, habillement…).
  • L’objectif de l’enquête était de vérifier la transparence et la véracité des renseignements qu’ils fournissent aux internautes. Ces études de la DGCCRF ont alors confirmé que la plupart des sites comparateurs ne relaient pas la totalité de l’offre d’un secteur, mais principalement celle des sites marchands partenaires.
  • Autrement dit, de nombreux comparateurs ne sont en fait que des intermédiaires dans la chaîne de commercialisation des produits en ligne qui travaillent pour le compte d’entreprises mandataires. Ils se rémunèrent sur les contrats qu’ils ont signés avec celles-ci ou en prélevant un pourcentage des frais de dossier. Certains sites n’hésitent même pas à monétiser les données personnelles que l’internaute doit confier pour avoir accès aux résultats. Autant d’informations dont l’internaute a rarement encore connaissance.

C’est pourquoi  nous pensons que l’avenir des sites comparateurs ne peut se satisfaire ni d’un degré imparfait de transparence du marché ni d’une différenciation artificielle ni encore de favoritisme. Il passe inévitablement par les vertus de la transparence ([1]), de la fiabilité ([2]) et de l’indépendance ([3]). Enfin, les sites doivent préserver la confidentialité des informations fournies par les internautes sur le site et s’interdire de monétiser aucune donnée sans son accord.

[1] La transparence, c’est la garantie d’une comparaison de prix exhaustifs, clairs, intelligibles, exacts et précis.

Lire :   Les comparateurs de prix et la législation, par Gérard Haas (Partie 1)

[2] La fiabilité, c’est une information complète, authentique et exhaustive.

[3] L’indépendance consiste notamment à signaler les liens à qui appartiennent le site et quels sont les liens entretenus avec les marchands des produits référencés.

 

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